Saturday, November 12, 2011



L'île de Roda au Caire

Dans les premières décennies du XIXème
siècle, Ibrahim pacha fit dessiner un jardin au Manial
Les merveilleux jardins
de l'île de Roda au Caire


Sur une carte de la ville du Caire datant de 1875, l'île de Roda était couverte de jardins avec des spécimens d'arbres et de plantes rares comme le figuier des pagodes de l'Inde, appelé aussi arbre des banians, l'ébénier, le bois de rose, le bois de satin, le bois d'acajou, le tamarinier, le sagoutier, l'arbre à suif, etc... Maintenant cette île a été urbanisée.Les premières constructions furent le Nilomètre, les casernes des Mamelouks puis le palais du Manial. De tous ces jardins il ne subsiste que celui du Manial et du Nilomètre.
Sur l'île de Roda se trouve le Nilomètre appelé Mikyas en langue arabe. Avant la construction du Grand-Barrage d'Assouan, en 1960, ce Nilomètre avait une grande importance pour mesurer en pics et en quirats (ou en coudées) la montée des eaux du fleuve dont dépendait la prospérité de l'Egypte.
Selon la légende, un premier Nilomètre aurait été construit en ce lieu par Joseph, le fils de Jacob, quand il était ministre du pharaon, c'est-à-dire vers 1500 avant Jésus-Christ.
Historiquement, le Nilomètre de Roda fut construit en 715 sous le règne du calife omeyyade Soleiman Abdel Malek. 
Ce Nilomètre fut restauré en 815 par le calife El-Mamoun. Ayant été renversé par une forte crue en 859, le calife El-Moutawakil le fit reconstruire.
En 1092, le calife fatimide Moustansir restaura le Nilomètre qui resta dans le même état jusqu'à l'expédition française de Bonaparte en 1798. Des Mamelouks s'y étaient retranchés et les troupes françaises, en donnant l'assaut à cette forteresse improvisée, détruisirent en partie le Nilomètre. Il fut, par la suite, reconstruit tel que nous le voyons actuellement.
La coupole à multiples faces et pointue qui domine le Nilomètre et les jardins du palais voisin de Monasterly, fut reconstituée d'après une ancienne gravure du voyageur et architecte danois Norden qui visita l'Egypte en 1739. De style pyramidale, cette coupole avait été détruite accidentellement en 1825 à la suite de l'explosion d'une poudrière qui se trouvait non loin de là. Cette poudrière avait été installée par l'architecte français Pascal Coste chargé alors par Mohamed Ali de fournir les munitions à l'armée égyptienne. La coupole du Nilomètre fut reconstruite d'après l'ancienne gravure de Norden.
Près du Nilomètre se trouve le palais Monasterly construit vers 1850. Ce palais fut le premier siège de la Ligue arabe au Caire en 1947 et il dépend maintenant du ministère de la Culture. La famille de notables Monasterly se constitua en gardienne du Nilomètre.
Vue du Nil (Roda)

Ce palais est devenu un Centre culturel. Non loin du Nilomètre, une maison vient d'être transformée en Musée d'Oum Kalsoum. Ces différents éléments font donc de l'extrémité sud de l'île de Roda un important centre culturel et touristique.

Le sultan Saleh Negm Eddine Ayyoub fit acheter un grand nombre d'esclaves sur les marchés au nord de la mer Noire, dans le Caucase et aux environs de la mer Caspienne. 
Robustesse, sveltesse et beauté, voilà les conditions que le sultan avait posées à ses émissaires chargés d'acheter ces esclaves.
Le sultan logea ses esclaves dans des casernements construits sur l'île de Roda en face de la ville du Caire. Comme ils habitaient au milieu du fleuve (Bahr en arabe) ces premiers Mamelouks, un mot désignant les esclaves, furent appelés "Bahrides".
Dans les premières décennies du XIXème siècle, Ibrahim pacha, le fils du Grand Mohamed Ali, fit dessiner un jardin au Manial. Il y fit planter des arbres et des arbustes aux essences variées sur une superficie de plus de 60.000 mètres carrés.
Cette partie de l'île de Roda se fit appeler Manial en raison de la présence d'une résidence d'un émir mamelouk qui portait ce nom.
Parmi les espèces d'arbres et d'arbustes plantées dans le jardin du Manial, il y avait le figuier des pagodes d'Inde, encore appelé banian, l'ébénier, le bois de rose, le bois de satin, le bois d'acajou, le tamarinier, le sagoutier, l'arbre à suif, les différents palmiers et les espèces innombrables de cactus.
Le jardin est très beau avec des collections d'arbres tropicaux, de plantes rares et des fleurs. Il y a des bambous gigantesques de plus de 20 mètres de haut. Parmi les plantes rares de ce jardin, il faut citer les cocos flexuosa, les latanias borbonica, les eucalyptus globulus, les framboisiers, les tamaris, les manguiers, les papayers, les mimosées, les bananiers et bien d'autres encore. Il y a encore un coin pour les différentes espèces de cactus.
Vers la fin du XIXème siècle, ce jardin était quelque peu abandonné. Le prince Mohamed Ali Tewfick jeta son dévolu sur ce jardin pour y construire un palais dans la partie nord-est.
Les travaux de construction du palais commencèrent en 1901 pour ne s'achever qu'en 1929. Par la suite, le prince Mohamed Ali poursuivit des travaux d'embellissement. Il voulut qu'après sa mort son palais fut transformé en Musée. Mohamed Ali était né au Caire le 9 novembre 1875. Il était le fils du Khédive Tewfick, et le frère du Khédive Abbas II Helmi. Il était ainsi le petit fils du Grand Mohamed Ali le fondateur de la dynastie.
Mohamed Ali avait épousé une Française, Alice Imond. Entre ses nombreux voyages à l'étranger, il résidait en son palais du Manial avec son épouse. Il y habita jusqu'à son départ en exil, le 17 septembre 1952 à la suite de la Révolution du mois de juillet qui avait renversé le roi Farouk. Le prince Mohamed Ali mourut en Suisse en 1954.
Le Musée des animaux du Manial fut installé tout d'abord en 1962 par le roi Farouk à Inchass puis transféré au Manial.
Il existe encore un Musée qui fut inauguré en 1938. Il présente des souvenirs du prince Mohamed Ali dont un calendrier portant encore la date du 16 septembre 1952, date du départ du prince.

G.V

Friday, November 11, 2011



Une nouvelle ville créée par le baron Empain
Ville du Soleil, l'ancienne cité d'Héliopolis 
renait au XXème siècle
L'ancienne cité d'Héliopolis, qui se dressait dans les régions de Matarieh, Zeitoun et Aïn Chams, a survécu dans la nouvelle Héliopolis. A l'aube du XXème siècle, lorsque le baron Edouard Empain jeta son dévolu sur l'emplacement actuel d'Héliopolis, cette région n'était qu'un désert. Ce fut en 1904, au cours de l'un de ses voyages en Egypte, que ce grand industriel belge conçut le projet de fonder Héliopolis. Le 13 mai 1905, le baron Empain acheta 2.500 hectares de désert, surface qui fut portée par la suite à 8.000 hectares. 

par : Gérard Viaud

Ces achats furent financés par les immenses fortunes du baron Empain et de Boghos pacha Nubar. Il choisit pour sa fondation, le nom d'Héliopolis en raison de la proximité de l'ancienne cité d'Héliopolis, la ville du Soleil, nom que les Grecs avaient donné à la cité pharaonique de On.
La ville de On doit son origine au culte du dieu Ra en Egypte dès les premières dynasties. Bien qu'elle fut la capitale du XIIIème nom de la Basse-Egypte, cette ville ne joua pas un rôle important dans la vie politique du pays, ses activités étant surtout orientées vers l'élaboration théologique des dogmes de la religion égyptienne.
La cité de On fut citée à différentes reprises dans la Bible comme dans Ezéchiel 30: 17 ou dans Isaïe 19: 18. Elle fut saccagée en partie par Nabuchodonosor en 568 avant Jésus-Christ et ruinée par Cambyse en 525. La vaste plaine d'Héliopolis fut un champ de bataille à plusieurs reprises au cours de sa longue histoire. En 524 avant Jésus-Christ, le Perse Cambyse, arrivant par le désert oriental, s'apprêtait à envahir l'Egypte, mais ses troupes furent stoppées par une forte résistance égyptienne à l'orée du Delta près de la ville de On. En effet, Cambyse avait mis le siège devant la cité. Les habitants de On, pour tenter de briser ce siège, décidèrent une sortie. La bataille fut terrible, mais les défenseurs de la cité succombèrent sous les coups de l'envahisseur et la ville tomba entre les mains de Cambyse. Les temples et les monuments de la cité furent détruits.
Il y a 2000 ans, l'ancienne cité d'Héliopolis reçut la visite de la Sainte Famille.
La ville soleil

Au terme de son périple dans le Delta, la Sainte Famille arriva à Héliopolis où les 365 statues de la ville s'écroulèrent devant Jésus et sa mère. Les voyageurs allèrent ensuite trouver refuge sous un sycomore qui ouvrit son tronc pour abriter la mère et l'enfant qui fit jaillir une source d'eau.
Dès le IVème siècle, une chapelle avait été construite près de l'arbre de la Vierge. Une table de pierre, servant d'autel, était placée devant une niche où brûlait une lampe. Détruite à plusieurs reprises, cette chapelle devint la propriété des Franciscains en 1597. En 1660, la chapelle fut transformée en mosquée, mais les Chrétiens pouvaient venir y prier.
En l869, le Khédive Ismaïl acheta le jardin de baumiers, où se trouvait l'arbre de la Vierge, la source et la chapelle, et il l'offrit à l'impératrice des Français Eugénie venue en Egypte pour l'inauguration du Canal de Suez. Abandonnée par la suite, la chapelle tomba en ruines et les Jésuites construisirent non loin une chapelle moderne qui fut consacrée le 6 décembre 1904.
Quant à l'arbre de la Vierge, il eut aussi son histoire. Il aurait été planté par la reine Cléopâtre au milieu d'un jardin de baumiers.
Près de l'arbre, se trouve une auge en pierre dans laquelle la Vierge aurait pétri son pain et une autre pour laver son enfant. La source, un moment disparue, a été dégagée et restaurée avec les structures destinées à recevoir la saquieh. Les femmes qui veulent être enceintes passent sur le pont se trouvant entre les deux ouvertures de la source.
L'arbre et la source sont enfermés dans un enclos qui est un lieu historique et classé par le Conseil supérieur des antiquités.
En 640 après Jésus-Christ, les troupes d'Amr Ibn El-As se présentèrent aux portes de l'Egypte afin de libérer le pays de l'occupation byzantine. Au mois de juillet 640, une sanglante bataille se déroula dans la plaine d'Héliopolis entre les armées arabe et byzantine. Cette défaite des Byzantins ouvrit à Amr Ibn El-As les portes de l'Egypte.
En 1517, la plaine d'Héliopolis redevint un champ de bataille entre les armées ottomanes de Sélim 1er et les Mamelouks qui furent battus.
En 1800, les troupes ottomanes s'avancèrent jusqu'à la plaine d'Héliopolis afin de tenter de déloger les Français d'Egypte. Le 20 mars 1800, les troupes du général Kléber donnèrent l'assaut et la victoire française, fut totale.
Ce fut ainsi près d'une antique cité, d'un souvenir de la Sainte Famille et d'un champ de bataille que le baron Empain décida de construire la nouvelle Héliopolis.
En 1906, le baron Empain, promoteur de la Société des Oasis d'Héliopolis et président de son Conseil d'administration, entreprit d'édifier cette nouvelle cité dans le désert. Il alla trouver Mgr Augustin Duret à Choubra, nouvel évêque du vicariat apostolique du Delta du Nil, et il lui proposa de construire une cathédrale en plein centre de la nouvelle cité à condition que l'évêque accepterait de résider à Héliopolis.
Mgr Duret accepta cette proposition conditionnée et le 24 novembre 1910 le Vatican donna son feu vert à l'évêque.
Dans un coin de cette mer de sable qu'on appelait le désert d'Arabie et qui commençait aux portes du Caire pour aller finir à Suez et à la mer Rouge, s'éleva, comme par enchantement, une opulente forêt de coupoles, de dômes, de tours et de pignons en arabesques: gracieuse floraison du vieux style arabe. Cette ville, sortie des sables du désert, excite toujours l'admiration, par ses quartiers féeriques en styles arabe, hindou, chinois et japonais, par ses monuments imposants, ses avenues spacieuses, sa position sanitaire et son orientation. Elle est, de plus, reliée au Caire, dont elle fait désormais partie, par un métropolitain.
Héliopolis fut une création exemplaire et unique au Caire grâce à la personnalité de son auteur le baron Empain. Tout la distingue des réalisations faites à cette époque: le plan d'abord, inspiré des cités jardins, le fort marquage de son centre autour de la basilique, ses infrastructures et ses équipements sportifs, scolaires et hôteliers, ses espaces verts, l'originalité de ses habitations et des règlements d'urbanisme très précis qui ont présidé à sa construction.
Tous ces éléments font d'Héliopolis un ensemble urbain très cohérent au contraire de toutes les réalisations de la même époque.
En 1931, Héliopolis, autour de sa basilique, possédait son Palace Hôtel (devenu palais présidentiel), son palais hindou du baron Empain, son hippodrome, des jardins et des parcs, son Sporting Club, ses cinémas, ses mosquées, ses églises et ses nombreuses écoles. M. le baron Empain pour recevoir l'église byzantine, réduction de Sainte Sophie de Constantinople, dont il veut doter l'opulente cité et qu'il destine, dans sa pensée, à devenir la cathédrale de Mgr Duret.
Ce monument, qui a été le couronnement chrétien de cette oeuvre gigantesque, s'élèvera non loin de l'antique "Ville du Soleil" (Héliopolis), où Moïse fut formé dans la science des Egyptiens, près de Matarieh où la tradition fait arrêter la Sainte Famille. Le baron Empain se fit construire à Héliopolis un palais de style hindou qui dénote un peu au milieu des palais et des villas de style arabe.
Quand il mourut en Belgique en 1937 selon son testament il voulut être enterré en Egypte. Sa dépouille mortelle fut transportée jusqu'en son palais et une procession solennelle le conduisit en la basilique d'Héliopolis. Il repose dans un caveau situé en dessous du choeur de la basilique.
L'Egypte possède une basilique dédiée à Notre-Dame de Fatima. La première pierre de cette basilique à Héliopolis fut posée le 7 novembre 1951 par le patriarche chaldéen catholique Joseph II Ghanima. Ce sanctuaire fut achevé en 1953 et la première messe y fut célébrée le 13 mai de cette même année en la fête de Notre-Dame de Fatima.
Les travaux de construction furent menés sous la direction du vicaire patriarcal chaldéen, Mgr Emmanuel Rassam, et l'architecte Charles Ayrout.
Non loin de Notre-Dame de Fatima, se trouve le Foyer de la Vierge Marie à Héliopolis pour les personnes âgées.
En 1955, les religieuses abandonnèrent leur maison de Choubra pour aller s'installer dans un bâtiment neuf et spacieux à Héliopolis, dans un quartier relativement calme non loin de l'église de Notre-Dame de Fatima. Cette nouvelle maison, au milieu d'un jardin, pouvait accueillir jusqu'à 220 personnes. C'est l'actuel Foyer de la Vierge pour les personnes âgées qui est dirigé par neuf religieuses coopérant avec une vingtaine d'employés.
En 1956, un dispensaire fut adjoint à ce Foyer. Il reçoit chaque jour de nombreux malades du quartier dans ses différents services: médecine générale, gynécologie, petite chirurgie, soins dentaires, etc... Plusieurs médecins collaborent avec ce dispensaire.
Le Nilomètre de Roda
 
La rue El-Miqyas se trouve sur l'île de Roda et elle conduit au Nilomètre appelé Mikyas en langue arabe.
Selon la légende, un premier Nilomètre aurait été construit en ce lieu par Joseph, le fils de Jacob, quand il était ministre du pharaon, c'est-à-dire vers 1500 avant Jésus-Christ.
Historiquement, le Nilomètre de Roda fut construit en 715 sous le règne du calife omeyyade Soleiman Abdel Malek.
Ce Nilomètre fut restauré en 815 par le calife El-Mamoun. Ayant été renversé par une forte crue en 859, le calife El-Moutawakil le fit reconstruire.

Le Nilomètre de Roda Photo Sharobim
En 1092, le calife fatimide Moustansir restaura le Nilomètre qui resta dans le même état jusqu'à l'expédition française de Bonaparte en 1798. Des Mamelouks s'y étaient retranchés et les troupes françaises, en donnant l'assaut à cette forteresse improvisée, détruisirent en partie le Nilomètre. Il fut, par la suite, reconstruit tel que nous le voyons actuellement.
La coupole à multiples faces et pointue qui domine le Nilomètre et les jardins du palais voisin de Monasterly, fut reconstituée d'après une ancienne gravure du voyageur et architecte danois Norden qui visita l'Egypte en 1739. De style pyramidale, cette coupole avait été détruite accidentellement en 1825 à la suite de l'explosion d'une poudrière qui se trouvait non loin de là. Cette poudrière avait été installée par l'architecte français Pascal Coste chargé alors par Mohamed Ali de fournir les munitions à l'armée égyptienne. La coupole du Nilomètre fut reconstruite d'après l'ancienne gravure de Norden.
Ce Nilomètre de Roda est destiné à mesurer la hauteur de la crue du Nil. L'échelle est numérotée jusqu'à 17 coudées (une coudée = 0,540 mètre qui multiplié par 17 coudées = 9,187 mètres).
La crue du Nil était proclamée à 16 coudées.
Dans l'Egypte ancienne, chaque temple construit près du Nil possédait son Nilomètre.
Près du Nilomètre se trouve le palais Monasterly construit vers 1850. Ce palais fut le premier siège de la Ligue arabe au Caire en 1947 et il dépend maintenant du ministère de la culture. La famille de notables Monasterly se constitua en gardienne du Nilomètre.
Non loin du Nilomètre, un escalier descend jusqu'au fleuve et une tradition place en ce lieu la découverte de Moïse par la fille du pharaon. Sous le palais de Monasterly se trouveraient les ruines d'une église copte.
G.V.

Entre deux palais

Les deux lieux ont un très belle construction où se mélangent les styles 
mamelouk et ottoman
Le monde riche de Naguib Mahfouz
"entre deux palais" du Caire fatimide
La célèbre trilogie de Naguib Mahfouz se compose de trois romans: "Bein el-Qasrein" (1956), "Qasr el-Chouq" (1957) et el-Soukkaria" (1957). Ce qui est remarquable c'est que ces trois titres correspondent à des lieux du Caire fatimide où Naguib Mahfouz aimait à flâner. Tout le monde connaît le café Naguib Mahfouz dans la ruelle de Bab el-Badistan en plein centre du khan el-Khalili. Elle est coupée en deux par cette porte el-Badistan construite en 1511.


Par : Gérard Viaud

La rue Qasr el-Chouq commence sur l'artère de Gamaleïa, entre Bab el-Nasr et Sayedna el-Hussein, près de la mosquée de Mahmoud Moharrem construite en 1792. Cette rue passe derrière une autre mosquée, celle de Marzouq el-Ahmadi qui date du XVIIème siècle. Cette rue a donné son nom à un roman de Naguib Mahfouz qui appartient à sa trilogie célèbre.
Photo Sharobim

Cette trilogie se compose de trois romans: "Bein el-Qasrein" (1956), "Qasr el-Chouq" (1957) et el-Soukkaria" (1957). Ce qui est remarquable c'est que ces trois titres correspondent à des lieux du Caire fatimide où Naguib Mahfouz aimait à flâner. "Bein el-Qasrein", entre les deux palais, se trouvait au milieu de la grande rue Moëz Lidine Illah à l'emplacement actuel du palais de Bachtak et du sébil-kouttab d'Abdel Rahman el-Kathouda. C'était, à l'époque fatimide, une grande place encadrée de deux grands et beaux palais.
L'émir Bachtak fit entreprendre les travaux de ce palais en 1335 et ils furent achevés en 1339.
Sous le règne du sultan mamelouk el-Nasser Mohamed Ibn Qalaoun, au XIVème siècle, un des puissants émirs de sa Cour était Seif Eddine Bachtak el-Nassiri. Cet émir fit ainsi construire un magnifique palais en bordure de la rue Moëz Lidine Illah à l'emplacement d'un ancien palais de l'époque fatimide.
Le palais de Bachtak fut restauré en 1986 par l'Organisme des antiquités égyptiennes en coopération avec l'Institut allemand d'archéologie du Caire. L'un des plus beaux sébiles du Caire est sans conteste celui d'Abdel Rahman katkhouda. Il fut construit en 1744 alors qu'Abdel Rahman était gouverneur du Caire, le katkhouda.
Ce sébile se trouve à l'angle des rues de Moëz Lidine Illah et Darb Qarmis dans le Caire fatimide là où se trouvait à l'époque fatimide la place de Bein el-Qasrein, les deux palais. C'est un très belle construction où se mélangent les styles mamelouk et ottoman. Chacune des trois façades est décorée d'arceaux supportés par des colonnes encadrant de larges fenêtres ogivales garnies de grilles ouvragés. dans le bas de ces grilles se trouvent des orifices permettant de puiser l'eau contenue dans des bassins. A l'étage supérieur est aménagé le kouttab, cette école coranique, entouré d'élégantes colonnettes et dont le plafond est richement décoré.
"Qasr el-Chouq", le palais des épines, a laissé son nom à une ruelle du quartier de Gamaleïa. Elle commence auprès de la mosquée de Mahmoud Moharrem. Il y avait en cette ruelle un palais où un marchand d'esclaves jetait les jeunes filles dans une fosse remplie d'épines si elles étaient récalcitrantes.
Quant à "el-Soukkaria", la ruelle des marchands de sucre, elle se trouve près de la porte de Zouweïla et du sébil-kouttab de Nafissa el-Baïda. Une très belle porte en ferme l'entrée en bordure de la rue Moëz Lidine Illah. Revenons à la rue Qasr el-Chouq. Au XIVème siècle, sous le règne du sultan mamelouk el-Nasser Mohamed Ibn Qalaoun, il y avait au Caire un riche marchand d'esclaves qui s'appelait Magd Eddine Ibn Yacout el-Khawaga. Chaque année, Magd Eddine organisait des caravanes vers les pays slaves et jusqu'en Perse pour y acheter des esclaves, spécialement des jeunes filles les plus belles possible, et notamment des Circassiennes.
En revenant au Caire, Magd Eddine commençait par enfermer ses esclaves dans son palais pour leur donner une éducation conforme au rôle qu'elles allaient jouer avant de les revendre. Si l'une de ces jeunes filles était récalcitrante elle était jetée dans une fosse remplie d'épines. Les habitants du quartier, connaissant ce procédé, finirent par appeler le palais de Magd Eddine "Qasr el-Chouq" et le nom fut ainsi donné à la rue où se trouvait ce palais. Les jeunes esclaves, leur éducation achevée, étaient vendues sur les marchés du Caire. La rue et le palais el-Soukkaria se trouvent sur la gauche de la rue Moëz Lidine Illah non loin de la porte de Zouweïla. La rue est reconnaissable à une porte qui la fermait autrefois auprès du sébil-kouttab de Nafissa el-Baïda.
Cette rue el-Soukkaria était celle des marchands de sucre. Naguib Mahfouz y plaça le dernier roman de sa trilogie qui s'appelle d'ailleurs "el-Soukkaria".
En 1796, Nafissa el-Baïda fit construire une woukala et un sébil-kouttab près de cette ruelle et en bordure de la rue Moëz Lidine Illah juste en face de la mosquée d'el-Mouayyed.
Nafissa el-Baïda, encore appelée Nafissa el-Mouraddiya el-Baïda, était l'épouse de l'émir mamelouk Mourad bey qui partagea le pouvoir en Egypte avec Ibrahim bey jusqu'à l'arrivée des troupes françaises de Bonaparte. Ces deux chefs mamelouks organisèrent la résistance contre les occupants français. Mourad bey mourut en 1810. L'épouse de Mourad bey, Nafissa el-Baïda, mourut quelques années après son mari, en 1815.
Le chroniqueur de l'époque, le cheikh Abdel Rahman el-Djabarti, rapporta que Sitti Hatoun (un autre nom de Nafissa el-Baïda), l'épouse de Mourad bey, fit construire le han el-Guédid et un abreuvoir près de la porte de Zouweïla. Ce sont la woukala et le sébil-kouttab dont il a été question.
Ainsi le nom de la ruelle el-Soukkaria est rattaché au souvenir d'une grande dame de la fin du XVIIIème siècle au Caire.
Il serait intéressant de savoir ce que devint cette dame alors que son époux combattait les troupe

Wednesday, November 9, 2011





La rue El-Khiyamieh

La rue El-Khiyamieh, celle des fabricants de tentes, est couverte par un plafond de bois. Cette rue, se trouvant juste devant la porte de Zouweïla, fait partie de cette très longue artère qui commençait au faubourg d'El-Husseineia, au nord du Caire, pour emprunter ensuite la rue Moëz Lidine Illah et aller jusqu'au Vieux Caire.
Photo Sharobim
A partir de 1301, sous le règne du sultan mamelouk El-Nasser Mohamed Ibn Qalaoun, les constructions se multiplièrent énormément et sans ordre au sud de la porte de Zouweïla si bien que les urbanistes du sultan durent intervenir pour mettre de l'ordre dans ces nouvelles constructions : magasins, woukala, palais d'émirs, bains, etc ...
Les urbanistes, par ordre du sultan, se virent contraints de faire abattre quelques nouvelles constructions pour tracer, le plus droit possible, un boulevard qui conduirait de la porte de Zouweïla jusqu'à Saliba et la mosquée d'Ibn Touloun et, par delà, jusqu'au Vieux-Caire.
Ce nouveau tronçon était le prolongement naturel de la rue Moëz Lidine Illah, le fondateur de la ville fatimide du Caire.
Cette longue rue, qui s'appelait la Qasaba, fut le plus long boulevard que connut la ville du Caire à travers sa longue histoire.
Au XVIIIème siècle, un bey ottoman gouverneur de la ville du Caire, Radouan bey, entreprit la réfection de ce long boulevard. De nombreuses maisons tombant en ruine furent reconstruites. Radouan bey édifia en 1736 ce superbe ensemble de la rue El-Khiyamieh connu sous le nom de Qasaba de Radouan bey.
Des maisons, toutes de même style, bordent cette rue. Le premier étage est soutenu par des pieds de cordeaux qui font avancer cet étage au-dessus de la rue. Il en est de même pour le second étage et la rue est recouverte d'un plafond de bois, percé de temps à autre d'une ouverture rectangulaire d'un mètre de long et de trente centimètres environ de largeur qui laisse passer la lumière du jour.
Malgré ces ouvertures, cette rue est la plus sombre de la ville du Caire. Elle s'étend actuellement sur une centaine de mètres.
Cette Qasaba de Radouan bey s'appelle actuellement rue El-Khiyamieh car il s'y trouve de nombreux fabricants de tentes, ces grandes toiles aux couleurs vives avec des dessins géométriques ou s'inspirant des végétaux.
Ces toiles de tentes servent à monter les tentes pour les assemblées mortuaires ou pour les fêtes. Elles masquent encore les magasins en cours réfection et elles sont utilisées pour monter des arcs de triomphe à certaines occasions, comme pour les visites du Président de la République, du gouverneur ou d'un personnage important.
G.V.