Saturday, December 17, 2011









Moëz Lidine Illah, une rue au cœur du Caire islamique 
Un musée d'architecture
 médiévale exposé en plein air







 
 

Par : Marwa Mourad et Dalia Hamam


Les nombreux monuments historiques de la civilisation islamique et ses vestiges attirent l'attention du monde entier, touristes étrangers et les Egyptiens eux-mêmes. Dans la fameuse rue de Moëz Lidine Illah, les monuments islamiques fournissent une vue présente fascinante d'une époque passée. Une visite s'imposait.
Les experts de l'Unesco jugent la rue de Moëz Lidine Illah comme un chef-d'œuvre monumental islamique d'un Caire antique. Cette rue rassemble des trésors, regroupe différents siècles islamiques. Il était naturel de continuer à protéger cette région. Cette rue s'étend entre Bab El-Foutouh et Bab Zouweïla et croise la place d'El-Azhar. C'était l'axe d'origine du Caire fatimide. Située en plein cœur du Caire, une partie très active de tous les secteurs où la foule et les bruits recouvrent le charme de l'Orient et les parures les plus magnifiques du Caire islamique. Richesses et diversités historiques, modèles surprenants de l'architecture islamique en Egypte, transforment ce lieu en un musée de grandeur naturelle, sur un site d'origine, inchangé depuis dans un cadre médiéval. Les visites se multiplient dans ce lieu resté historique.

  •    Complexe de Barsbaï El-Ashraf
Plus connu chez l'habitant sous le nom d'Al-Ashrafiya, d'après son fondateur le sultan El-Ashraf Barsbaï. L'action politique la plus renommée de Barsbaï a été la conquête de Chypre en 1426.
Un complexe comme tant d'autres, El-Ashrafiya n'est pas exceptionnelle en taille ou en architecture. Il est cependant encore bien solide, en bon état, typiquement mamelouke. Formé d'une cour centrale entourée par quatre iwans. Un dôme formé de pierres et découpé couvre le mausolée qui a été prévu pour le sultan mais contient réellement les dépouilles de son épouse et de son fils. La partie gauche de la façade est un sébile-kouttab. Son entrée est imposante et largement fréquentée par des négociants et les marchands ambulants.

  •      Madrassa d'El-Salih Negm
Le complexe représente le premier exemple connu d'un tombeau rattaché à une Madrassa (école). Cette Madrassa était également la première construction destinée à contenir chacune des quatre écoles légales propres aux Sunnites, chacune dans un iwan séparé. Cette tradition évoluera plus tard avec les prochaines deux cents années sous les Mameloukes. Cette Madrassa a été construite sur des parties de l'énorme emplacement occupé par le palais oriental des Fatimides. La façade est en partie cachée par des fonds de commerce. Elle soutient un minaret au-dessus d'une porte richement décorée. La porte est l'entrée de la ruelle connue aujourd'hui comme Haret El-Salihiya qui sépare les deux ailes de la Madrassa.
Juste sur la gauche de cette porte se trouve l'entrée d'une cour ouverte, avec les restes de la Madrassa, mise en évidence. Un mausolée y a été joint et où le Sultan El-Salih est enterré a été construit plus tard par sa veuve, Shagaret Eddor.

  •      Bab El-Foutouh
La Porte des conquêtes "Bab El-Foutouh" est l'entrée nord de la fortification fatimide qui a par le passé enfermé dans ses murs un centre original du Caire. Comme la mosquée du Sultan Hassan et d'Ibn Touloun, Bab El-Foutouh a été plus d'une fois, citée dans les récits des 18ème et 19ème par les voyageurs de ces siècles. La porte a été placée en 1087 par Djamali l'Arménien pour remplacer une ancienne porte environ 200 mètres au sud. 



  •      Madrassa de Barqouq
Barqouq (la prune) était à l'origine un esclave circassien qui est devenu le premier sultan circassien à régner en Egypte.
Construite après le modèle de la Madrassa du Sultan Hassan, Madrassa de Barqouq est un plan cruciforme typique. Elle se distingue par un minaret octogonal élégant et unique en son genre, caractérisé par la finesse de ses dessins gravés sur le marbre.


 

Moëz Lidine Illah en quelques mots

La dynastie des Fatimides a régné sur l'Egypte durant deux siècles, de 969 à 1171. Cette famille descend de Fatima la fille du Prophète - d'où leur nom -, et de son époux Ali, cousin du Prophète Mohamed.
Moëz Lidine Illah, devenu calife fatimide en 341 de l'Hégire (952 après Jésus-Christ) succédait ainsi à son père Mansour Abi Taher Ismaïl, troisième calife fatimide. Moëz était un homme intellectuel affamé de sciences et de littérature qui maîtrisait les langues. Intelligent et respectueux, il a adopté une politique sage et a formé une forte armée. L'Egypte était parmi ses premières priorités. Il attendait impatiemment l'occasion pour la conquérir. Il a rassemblé une énorme armée estimée à 100 mille soldats pour conquérir l'Egypte; il a nommé Gawhar El-Saqueli à la tête de cette armée. Il est ainsi entré en Egypte en 358 de l'Hégire (969 après Jésus-Christ). Moëz Lidine Illah le Fatimide a passé la plupart de sa vie au Maroc. Il n'est resté en Egypte que trois années. Cependant, cette courte période eut une grande influence sur son Etat. Il a réussi à transporter le centre de son Etat au Caire et fondé un gouvernement puissant qui a réalisé avec succès un essor religieux, culturel et social. Moëz a rendu l'Egypte, le Centre d'intérêt du Monde islamique. La mort le surpris au Caire en 365 de l'Hégire (975 après Jésus-Christ).




 
Un admirateur du pied 
 de Ramsès II à Tanis
 


La tête enturbannée d'un châle blanc, vêtu d'une gallabeya plus blanche encore, pieds nus, l'homme était monté sur un âne trottinant sur la route entre San El-Hagar et Husseineia dans le Delta oriental. Chose particulière, cet homme aux pieds nus avait de superbes babouches blanches suspendues au col de sa monture.


Fidèle aux traditions de ses ancêtres, il ne chaussait ses babouches qu'arrivé à destination, non pas pour devenir comme tout le monde, chaussé, mais pour faire voir que lui aussi savait utiliser cet accessoire pas plus indispensable au costume qu'à la respectabilité. Cet homme, il se faisait appeler Abdou dans son village de San El-Hagar près de l'ancienne cité pharaonique de Tanis. Il avait des idées bien arrêtées sur les pieds. Sans le savoir , il avait hérité ces idées de ses ancêtres.
Pour Abdou, si la tête est la partie la plus respectable de l'homme et c'est pour cela qu'elle doit toujours être couverte, les pieds, quant à eux, sont aussi le signe de cette respectabilité. "L'homme se reconnaît à ses pieds", répétait-il souvent. Les siens, tant il les soignait, n'avaient de rivaux qu'en ceux du colosse de Ramsès II dans les ruines de Tanis, près d'un mètre de largeur, ou ceux encore plus délicats de la douce Néfertari blottie entre ses jambes. Ces pieds géants de Ramsès II, ou cette délicieuse épouse royale, Abdou aimait les contempler, les caresser, les admirer, car pour lui ils symbolisaient ce qu'il y a de plus beau dans la constitution humaine. Pour Abdou, avoir de beaux pieds, c'était posséder la vertu, le savoir-vivre, toutes les qualités nécessaires à la vie. Pour lui, de vilains pieds signifiaient bêtise et mauvais esprit.

Abdou, monté sur son âne, se rendait donc à Husseineia. Un jour par semaine, il visitait la ville voisine pour le marché du mardi. L'âne attaché, Abdou chaussait ses babouches et faisait son tour du marché, saluant les connaissances, marchandant un bout de tissu, une paire de babouches, bien qu'il n'avait pas l'intention d'acheter quoi que ce soit. Des babouches, les dernières achetées dataient au moins de quinze ans, allant et venant toujours pieds nus.
Son tour du marché accompli, Abdou venait s'installer au café de la place. Précautionneusement, il retirait ses babouches qu'il polissait avec son mouchoir de poche, quitte à l'utiliser ensuite à des fins nasales. Ce rite accompli, il sirotait un café qu'il n'avait pas besoin de commander, le garçon connaissant les habitudes de son client.
Sans le savoir, Abdou vivait des traditions de l'Egypte ancienne. En effet, les Egyptiens marchaient nu-pieds, les sandales n'étant pas un accessoire indispensable au costume. Cependant, lorsqu'ils se rendaient en visite, les gens riches se faisaient accompagner de serviteurs dont l'un était chargé de porter les sandales. Ils ne les chaussaient qu'une fois arrivés à destination. Une des hautes fonctions de la Cour royale était le "porte-sandales" du roi.
Si les Egyptiens portaient rarement des sandales, le savoir-vivre les interdisait quand il s'agissait de se présenter devant une personne d'un rang plus élevé que soi. Faveur suprême, c'était d'être autorisé à se présenter chaussé devant le roi. Les sandales, alors, valaient mille fois mieux que n'importe quelle décoration royale.
Les pieds, cent fois par jour les Egyptiens les lavaient, les oignaient d'huile et de parfums. Des pédicures peuplaient les trottoirs des rues et les cours des maisons nobles. C'était un bon métier. Bracelets, anneaux et bagues ornaient les pieds. Recouverts d'or et d'émeraudes, les pieds manifestaient la richesse et la noblesse du propriétaire. "Ton pieds te conduira où tu veux aller", un dicton traduisant excellemment bien la valeur de ce membre du corps. Si l'esprit commande, ce sont les pieds qui font passer de l'ordre à la réalisation. Ils sont alors symboles de volonté.
G.V.

Sunday, December 11, 2011


Le quartier d'Ismaïlieh au Caire




par : Gérard Viaud


Le quartier d'Ismaïlieh au Caire occupe maintenant le centre-ville. Il fut construit sous le règne du Khédive pacha (1863-1879). Toutes les constructions de ce quartier avaient été réalisées à l'européenne où le goût italien prédominait.
Le Midan (place) Talaat Harb, encore appelé Soliman pacha, est un des grands carrefours au centre-ville du Caire. Il s'y croisent les rues de Talaat Harb, de Mohamed Bassiouni (jadis Antikhana) et de Sabri Abou El-Alam.
Au milieu de la place trône la statue de Talaat Harb.
La rue Soliman pacha, maintenant appelée Talaat Harb, commence place El-Tahrir (de la Libération) pour s'achever rue du 26 Juillet. Elle traversait la place où s'élevait, jusqu'en 1952, la statue de Soliman pacha qui fut remplacée par celle de Talaat Harb, un financier de la fin du XIXème siècle qui fonda la Banque Misr.
La rue de Qasr El-Nil, en plein centre-ville, commence place El-Tahrir (de la Libération) pour s'achever rue El-Goumhouriya. Elle prit le nom du palais de Qasr El-Nil qui avait été construit en 1854 sous le règne de Mohamed Saïd pacha par l'architecte italien Pantanelli assisté de son compatriote Piattoli. En 1868, Ismaïl pacha fit restaurer ce palais pour en faire sa résidence d'été.

La rue de Qasr El-Nil, créée au XIXème siècle, était une des plus élégantes du Caire. Elle était bordée de résidences particulières et de magasins de luxe qui étalaient les dernières modes venues de Paris et de Londres.
Dans cette rue se trouvait l'hôtel Savoy, le rendez-vous de toute l'aristocratie du Caire. Cette belle rue était bordée d'arbres, comme toutes celles de ce nouveau quartier qui avait été fondé par le Khédive Ismaïl. Toutes les constructions de ce quartier avaient été réalisées à l'européenne où le goût italien prédominait.
La rue de Qasr El-Nil est restée une grande rue commerçante du Caire avec de très beaux magasins.
Le 6 février 2001, une plaque commémorative avait été apposée sur l'immeuble Immobilia au centre-ville du Caire en mémoire de Naguib El-Rihani.
Cette plaque, en arabe et en français, rappelle que Naguib El-Rihani a vécu dans cet immeuble entre 1938 et 1949. Il habitait dans l'appartement 321 au troisième étage.
Au mois d'octobre 1900, une nouvelle rue avait été ouverte au Caire dont le besoin se faisait sentir depuis longtemps. Cette rue partait de la Banque nationale d'Egypte (fondée au Caire en 1898), traversait la rue de Qasr El-Nil pour déboucher sur la rue El-Manakh (actuellement Abdel Khalek Sarouat). Elle s'appelait rue Chawarby et toutes les propriétés du voisinage de cette rue appartenant au pacha du même nom avaient été expropriées.
Cette rue avait son prolongement jusqu'à la Bourse des valeurs, actuellement rue Chérifein. Cette dernière rue est maintenant devenue une rue piétonne. Dans le centre-ville du Caire, une nouvelle zone piétonne a été aménagée et elle comprend des tronçons des rues Elfi, Zakaria Ahmed et Sarray El-Ezbékieh.
Le contrat pour la construction de la rue et de ses trottoirs avait été passé avec la même maison qui construisait au même moment le nouveau Musée des antiquités égyptiennes près des casernes britanniques de Qasr El-Nil.
L'hôtel Savoy su Caire se trouvait au coin des rues Qasr El-Nil et Soliman pacha en bordure du rond-point de Qasr El-Nil. Il avait été construit à la fin du XIXème siècle avec 180 chambres par George Nungovich Company Ldt qui d'ailleurs en était le propriétaire.
C'était une superbe installation avec un excellent restaurant. La clientèle de ce restaurant était la plus distinguée du Caire et les officiers et fonctionnaires anglais s'y pressaient.
Chaque samedi soir, le bal hebdomadaire rassemblait l'élite de la ville dans les salons du Savoy où les toilettes de la dernière mode, venues de Londres et de Paris, pouvaient se voir et étaient d'un luxe inouï. La pension complète, pour ceux qui voulaient résider dans cet hôtel, était de 60 piastres par jour.
C'était le lieu idéal pour résider au centre-ville où les rues, bordées d'arbres, étaient parcourues par les landaus, les coupées et les calèches. Quelques ânes montés se faufilaient entre les voitures.
L'hôtel Savoy devint très vite trop petit et son propriétaire en augmenta le nombre des chambres à 300 dont 80 avaient des cabinets de toilette et une salle de bains. Il y avait même un salon de coiffure pour hommes et femmes dans cet hôtel luxueux.
Les hôtes y trouvaient encore, en plus du restaurant, des salons à louer, un bar américain, un billard, un jardin et un tennis. La grande salle de bal servait aussi pour les grands banquets et les réceptions.
Voici les prix qui étaient pratiqués en 1910 dans cet hôtel. La location à la journée pour une chambre à un lit était de 40 piastres, de 70 piastres pour une chambre à deux lits, de 80 piastres pour un salon, de 200 piastres pour un appartement privé comprenant une salle de bains, un salon et une chambre à coucher.
Quant aux repas, les consommateurs devaient payer 10 piastres pour le déjeuner du matin, le dîner était à 35 piastres et ceux qui voulaient une pension complète devaient verser 90 piastres par jour.
L'hôtel Savoy n'existe plus, il a été remplacé par une banque. Les arbres ont aussi disparu et la statue de Soliman pacha a été remplacée par celle du banquier Talaat Harb. La statue de Soliman pacha se trouve maintenant dans le jardin du Musée militaire de la Citadelle du Caire près de la statue équestre de son ami Ibrahim pacha qui est une reproduction de celle qui existe sur la place de l'Opéra au Caire.
Maintenant autour de cette place au centre du Caire se trouvent des agences de voyages, des librairies, etc...
Qui était Soliman pacha dont tout le monde parle ?
Soliman pacha fut le compagnon d'armée d'Ibrahim pacha, le fils de Mohamed Ali. D'origine française, Soliman pacha fut un officier de l'armée de Napoléon 1er sous le nom de colonel Sèves.
A l'âge de 35 ans, Sèves passa par l'Egypte en 1815 en route vers la Perse. Il avait quitté la France à la suite de l'abdication de Napoléon et de son exil à l'île de Sainte Hélène.
Au cours de son passage au Caire, le colonel Sèves fut présenté à Mohamed Ali qui le pressa de rester en Egypte pour se mettre à son service. Avec son fils, Ibrahim pacha, Mohamed Ali avait entrepris de moderniser son armée et en retenant le colonel Sèves il espérait profiter de l'expérience d'un officier de l'armée napoléonienne. Son vœu fut pleinement exaucé car le jeune officier français fut véritablement à la hauteur de la tâche qui lui avait été demandée.
Très vite, Sèves se prit d'amitié pour Ibrahim pacha et ils travaillèrent ensemble de longues années pour faire de l'armée égyptienne une force puissante et moderne. Entre-temps, le colonel Sèves s'était marié avec une Egyptienne en prenant le nom de Soliman.
En 1822, Soliman pacha avait déjà formé et entraîné 10 bataillons égyptiens. Selon les méthodes napoléoniennes, il avait rodé ses troupes à toutes sortes d'exercices militaires et aux différentes formes de combats. Avec ses jeunes troupes, il participa à la campagne de Grèce de 1825 à 1827.
Au Caire, Soliman pacha habitait dans une propriété sur les bords du Nil en face de l'île de Roda, entre l'aqueduc de la Citadelle et le Vieux-Caire. Entre deux campagnes, lorsque ses obligations militaires le lui permettaient, Soliman pacha se retirait dans sa propriété pour y mener une vie familiale calme et tranquille.
Ce fut dans cette propriété que Soliman pacha s'éteignit après avoir passé 44 années de sa vie au service de l'Egypte. Il fut enseveli dans un mausolée construit dans le jardin de sa propriété. Ce mausolée existe toujours.
Une statue de Soliman pacha fut placée au milieu du rond-point de Qasr El-Nil au Caire, une œuvre du sculpteur français Henri-Alfred Marie Jacquemart qui réalisa aussi la statue équestre de Mohamed Ali d'Alexandrie. Cette statue de bronze représentait Soliman pacha en tenue d'officier de cette époque: un pantalon bouffant, retombant sur des bottes, était serré par une large ceinture. Portant tarbouche sur la tête, Soliman pacha tenait une épée dans sa main gauche.
Cette statue fut enlevée à la suite de la Révolution de 1952 et remplacée par celle de Talaat Harb.

Friday, November 25, 2011




Elles portent les noms de Khoch Qadam, El-Hammam,
El-Menagguedin, Ahmed El-Mahrouqui, El-Roum et El-Soukkaria
Les ruelles du Caire islamique
près de Bab Zouweïla
 
 
Par : Gérard Viaud
De nombreuses ruelles existent près de Bab Zouweïla au Caire. Elles sont mal connues, hormis par les habitants de ces quartiers dont ils ne connaissent pas l'histoire et toujours ignorées par les touristes. Elles portent les noms de Khoch Qadam, El-Hammam, El-Menagguedin, Ahmed El-Mahrouqui, El-Roum et El-Soukkaria.
La ruelle Khoch Qadam commence dans la partie sud de la rue Moëz Lidine Illah près de la mosquée d'El-Fakani, un monument de l'époque fatimide construit en 1148 et reconstruit en 1735. Une entrée de cette mosquée donne d'ailleurs sur la rue Khoch Qadam. Cette rue doit son nom à un sultan mamelouk du XVème siècle, El-Daher Seif Eddine Khochqadam, qui régna de 1461 à 1467. Le règne de ce sultan se situe dans une période très floue de l'histoire entre la mort du sultan Barsbaï en 1438 et l'avènement du grand sultan Qaïtbaï en 1468. Tous les sultans qui se succédèrent entre ces deux dates furent inconséquents et leurs règnes ne furent pas marqués d'événements importants.
Ce fut le cas du sultan Khochqadam. C'était un esclave d'origine grecque qui avait fait partie de la garde du sultan Barqouq, le fondateur de la dynastie mamelouke circassienne. Les autres esclaves le surnommaient Khochqadam le Grec et il aurait été ainsi le premier Grec à gouverner l'Egypte depuis l'époque byzantine.
Ce sultan eut à combattre les menaces ottomanes. Il voulut instituer des réformes commerciales et établir de nouvelles taxes, ce qui le rendit impopulaire. Bien que d'origine grecque, Khochqadam lança des mesures discriminatoires contre les Chrétiens et les Juifs et tous ceux qui n'étaient pas Musulmans durent démissionner de leurs postes dans les différentes administrations. Sans le nom de cette rue du Caire, ce sultan serait tombé dans l'oubli depuis longtemps.
Les gens du quartier donnent à ce nom de Khochqadam, écrit maintenant en deux mots Khoch et Qadam, en disant que ce nom serait celui de la cour du boiteux.
C'est dans cette rue de Khoch Qadam que se trouve la maison de Gamal Eddine El-Dahabi construite en 1637. Ce personnage était le chef de la corporation des commerçants de la ville du Caire. La superbe maison qu'il fit construire témoigne de sa richesse. Atfet El-Hammam, la ruelle du bain, commence dans la rue de Hoch El-Qadam dans le Caire fatimide.
Ces bains étaient, en général, composés de trois salles différentes. La première, appelée "maslakh", servait de vestiaire où les clients se déshabillaient. Une fontaine de marbre, alimentée par un jet d'eau, garnissait le milieu de cette salle qui était entourée d'estrades et de divans garnis de tapis et de coussins.
Une fois débarrassé de ses habits, le baigneur, enveloppé dans un grand pagne de coton, chaussé de sandales de bois, pénétrait dans la seconde salle. Là, l'air était saturé de vapeur d'eau à un degré élevé. Le baigneur était étendu sur une grande table de marbre où un garçon lui faisait un massage superficiel et il était alors conduit dans une troisième salle, la partie la plus chaude de cette installation de bains. Là, se trouvait un bassin rectangulaire dans lequel s'écoulait lentement de l'eau bouillante, alimentant le bassin et provoquant cette opaque buée provenant de la vapeur d'eau. Dans cette atmosphère, la transpiration était abondante. Le baigneur pouvait aller se plonger dans un bassin d'eau tiède ou froide. Ensuite, un masseur le prenait en main, armé d'un gantelet de poil de chameau qu'il passait sur tout le corps du patient, les articulations, les épaules, les bras, les jambes et les vertèbres, l'enduisant de savon et déversant sur lui des écuelles d'eau tiède. Le baigneur sortait tout revigoré de cette opération.
Une autre rue du Caire fatimide porte le nom de Hammam El-Masbagha, le bain de la teinturerie. Elle commence dans la grande artère de Moëz Lidine Illah entre l'ensemble d'El-Ghouri et la rue de Hoch El-Qadam. Il y avait en effet de nombreux teinturiers dans ce quartier. Il s'en trouve maintenant auprès de la mosquée d'El-Hakim près de la porte d'El-Foutouh. Dans la ruelle d'El-Hammam les boutiques des teinturiers avaient toutes des cours dans lesquelles ils étendaient les étoffes teintes sur les fils. Parfois ils installaient ces fils sur les terrasses des maisons.
La ruelle El-Menagguedin est celle des arçonniers et des matelassiers. Ces métiers n'ont pas changé de place depuis la fondation du Caire fatimide non loin de la porte de Zouweïla. Cette rue se trouve sur la droite de la rue Moëz Lidine Illah et commence presque en face du sébil-kouttab de Mohamed Ali construit en 1820. Elle est reconnaissable aux nombreuses balles et sacs de coton qui s'y trouvent.
Le métier de matelassier tenait une place importante dans la vie des Cairotes pour la fabrication des matelas des lits, des banquettes et des divans, ainsi que pour faire les nombreux coussins utilisés dans les maisons et les palais.

Après la construction de la porte de Zouweïla au XIème siècle par Badr El-Djamali, le quartier des matelassiers prit une place plus importante.
Selon l'historien cairote El-Maqrizi (1364-1443) le quartier des matelassiers et des arçonniers se trouvait derrière la prison du Caire qui fut, par la suite, remplacée par la mosquée du calife fatimide El-Moayyed qui avait fait le voeu de la construire lors de sa détention dans cette prison.
Toujours selon El-Maqrizi, il existait dans ce quartier une mosquée portant le nom de Sam Ibn Nouh (Sem fils de Noé), le père des peuples sémites.
De nos jours, cette rue, ainsi que les ruelles avoisinantes, sont bordées de boutiques qui vendent du coton qui est livré aux commerçants dans de grands sacs de jute.
Ce coton sert toujours à la fabrication des matelas pour les lits, les canapés et les coussins, éléments indispensables dans toutes les maisons égyptiennes. Mais les matelassiers, bien qu'ayant des ateliers, se rendent souvent dans les maisons pour exécuter leur travail. Quant aux arçonniers, ces artisans ont disparu de ce quartier. Autrefois, dans le Caire ancien, chaque corporation avait son quartier ou sa rue, et c'était le cas pour les menagguedin.
Atfet Ahmed El-Mahrouqui se trouve près de la rue El-Menagguedin non loin de la porte de Zouweïla à l'intérieur du Caire fatimide. Cette ruelle porte le nom d'un riche commerçant du Caire de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècles.
Ahmed El-Mahrouqui était le chef des commerçants de la ville du Caire. En 1798, il partit à la Mecque pour le grand pèlerinage. A son retour, il trouva les Français en Egypte. Bonaparte le chargea de fournir à l'armée française ce dont elle avait besoin et il fut nommé au divan constitué par le nouvel occupant de l'Egypte.
Après le départ des Français, Ahmed El-Mahrouqui se soumit au pouvoir ottoman et aux Mamelouks. Il devint un des grands hommes du pays. Sa maison était devenue un rendez-vous pour tous. Il fut le directeur de l'Hôtel des monnaies au Caire.
En cette période troublée, que vécut Ahmed El-Mahrouqui, il sut toujours se mettre du bon côté tant son sens politique et diplomatique était grand. Bien entendu, il subissait des contraintes. Il fut ainsi obligé d'équiper douze nouveaux officiers et leurs troupes : chevaux, fourrures, habits, bottes, or et argent. Pour le remercier, le pacha lui donna le fief de Farascour près de Damiette. Un jour, Ahmed El-Mahrouqui invita le pacha à déjeuner chez lui. Lorsque le pacha eut quitté sa maison, il lui envoya son fils Sayed Ahmed, chargé de présents pour le remercier d'avoir bien voulu venir en sa demeure: des étoffes d'Inde, des pierreries, des bijoux, des tapis de Perse et des chevaux équipés.
Ce même jour, c'était en 1804, Ahmed El-Mahrouqui passa la soirée chez lui lorsque tout à coup il eut des frissons. Au bout d'une heure, il rendit le dernier soupir.
Le lendemain matin, alors que le décès avait été gardé secret, son fils Sayed monta à la Citadelle prévenir le pacha. La nouvelle se répandit en ville.
Les funérailles d'Ahmed El-Mahrouqui furent célébrées avec une pompe digne de son rang, écrit Abdel Rahman El-Djabarti dans ses chroniques.

Sunday, November 20, 2011





La rue Boustan 
El-Maksi à Faggalah




Jésuites - Photo 1901
 
La rue Boustan El-Maksi se trouve dans le quartier de Faggalah entre l'avenue Ramsès et la rue Linant pacha qui passe devant la cathédrale grecque catholique.
Cette rue doit son nom à des jardins (boustan) qui se trouvaient en bordure du quartier d'El-Maks qui s'étendait autrefois entre la porte de Bab El-Bahr (ou Bab El-Hadid) et le Nil à la suite du retrait du fleuve vers l'ouest.
En bordure de cette rue, les Pères Jésuites ouvrirent le Collège de la Sainte Famille en 1889. En 1882, ils avaient acheté un vaste terrain en bordure du canal d'Ismaïlieh pour y construire ce Collège. A cette époque, la région de Faggalah était encore une campagne avec de nombreux jardins et quelques villas.
Les Pères Jésuites étaient arrivés en 1879 en Egypte. Ils louèrent d'abord une maison dans le quartier du Mousky où se trouvaient de nombreuses résidences étrangères et les églises des différentes communautés catholiques. Très vite, cette maison devint trop petite et une famille copte catholique leur donna un local un peu plus vaste où ils reçurent quelques séminaristes pensionnaires. A la demande des Chrétiens du quartier, ils admette des élèves laïcs externes.
Le Collège de la Sainte Famille, qui comptait alors 282 élèves, fut transféré dans les locaux actuels en 1889.
Au fond de la rue Boustan El-Maksi se trouve la cathédrale grecque catholique construite à l'emplacement du palais de Linant de Bellefonds. Sakakini pacha avait fait l'acquisition du palais de Linant de Bellefonds dans le quartier de Faggalah au Caire, peut-être à la suite de son décès au mois de juillet 1883. Sakakini fit don de ce palais à la Communauté grecque catholique pour y construire une cathédrale et un patriarcat.
Breton et Lorientais d'origine, Linant de Bellefonds arriva en Egypte en 1818. Pendant sa longue carrière de 65 années dans le pays, il eut une activité débordante: cadastre et cartes hydrauliques de la Haute-Egypte, réfection du réseau d'irrigation, plan de la construction du Barrage de Mohamed Ali, mais qui ne fut pas retenu, plans et dessins du Canal de Suez dont Ferdinand de Lesseps s'appropria en 1844, construction de la route entre le Caire et Suez, etc...
Linant de Bellefonds fut l'un de ces nombreux Français qui servirent l'Egypte au XIXème siècle.
G.V.