Sunday, December 11, 2011


Le quartier d'Ismaïlieh au Caire




par : Gérard Viaud


Le quartier d'Ismaïlieh au Caire occupe maintenant le centre-ville. Il fut construit sous le règne du Khédive pacha (1863-1879). Toutes les constructions de ce quartier avaient été réalisées à l'européenne où le goût italien prédominait.
Le Midan (place) Talaat Harb, encore appelé Soliman pacha, est un des grands carrefours au centre-ville du Caire. Il s'y croisent les rues de Talaat Harb, de Mohamed Bassiouni (jadis Antikhana) et de Sabri Abou El-Alam.
Au milieu de la place trône la statue de Talaat Harb.
La rue Soliman pacha, maintenant appelée Talaat Harb, commence place El-Tahrir (de la Libération) pour s'achever rue du 26 Juillet. Elle traversait la place où s'élevait, jusqu'en 1952, la statue de Soliman pacha qui fut remplacée par celle de Talaat Harb, un financier de la fin du XIXème siècle qui fonda la Banque Misr.
La rue de Qasr El-Nil, en plein centre-ville, commence place El-Tahrir (de la Libération) pour s'achever rue El-Goumhouriya. Elle prit le nom du palais de Qasr El-Nil qui avait été construit en 1854 sous le règne de Mohamed Saïd pacha par l'architecte italien Pantanelli assisté de son compatriote Piattoli. En 1868, Ismaïl pacha fit restaurer ce palais pour en faire sa résidence d'été.

La rue de Qasr El-Nil, créée au XIXème siècle, était une des plus élégantes du Caire. Elle était bordée de résidences particulières et de magasins de luxe qui étalaient les dernières modes venues de Paris et de Londres.
Dans cette rue se trouvait l'hôtel Savoy, le rendez-vous de toute l'aristocratie du Caire. Cette belle rue était bordée d'arbres, comme toutes celles de ce nouveau quartier qui avait été fondé par le Khédive Ismaïl. Toutes les constructions de ce quartier avaient été réalisées à l'européenne où le goût italien prédominait.
La rue de Qasr El-Nil est restée une grande rue commerçante du Caire avec de très beaux magasins.
Le 6 février 2001, une plaque commémorative avait été apposée sur l'immeuble Immobilia au centre-ville du Caire en mémoire de Naguib El-Rihani.
Cette plaque, en arabe et en français, rappelle que Naguib El-Rihani a vécu dans cet immeuble entre 1938 et 1949. Il habitait dans l'appartement 321 au troisième étage.
Au mois d'octobre 1900, une nouvelle rue avait été ouverte au Caire dont le besoin se faisait sentir depuis longtemps. Cette rue partait de la Banque nationale d'Egypte (fondée au Caire en 1898), traversait la rue de Qasr El-Nil pour déboucher sur la rue El-Manakh (actuellement Abdel Khalek Sarouat). Elle s'appelait rue Chawarby et toutes les propriétés du voisinage de cette rue appartenant au pacha du même nom avaient été expropriées.
Cette rue avait son prolongement jusqu'à la Bourse des valeurs, actuellement rue Chérifein. Cette dernière rue est maintenant devenue une rue piétonne. Dans le centre-ville du Caire, une nouvelle zone piétonne a été aménagée et elle comprend des tronçons des rues Elfi, Zakaria Ahmed et Sarray El-Ezbékieh.
Le contrat pour la construction de la rue et de ses trottoirs avait été passé avec la même maison qui construisait au même moment le nouveau Musée des antiquités égyptiennes près des casernes britanniques de Qasr El-Nil.
L'hôtel Savoy su Caire se trouvait au coin des rues Qasr El-Nil et Soliman pacha en bordure du rond-point de Qasr El-Nil. Il avait été construit à la fin du XIXème siècle avec 180 chambres par George Nungovich Company Ldt qui d'ailleurs en était le propriétaire.
C'était une superbe installation avec un excellent restaurant. La clientèle de ce restaurant était la plus distinguée du Caire et les officiers et fonctionnaires anglais s'y pressaient.
Chaque samedi soir, le bal hebdomadaire rassemblait l'élite de la ville dans les salons du Savoy où les toilettes de la dernière mode, venues de Londres et de Paris, pouvaient se voir et étaient d'un luxe inouï. La pension complète, pour ceux qui voulaient résider dans cet hôtel, était de 60 piastres par jour.
C'était le lieu idéal pour résider au centre-ville où les rues, bordées d'arbres, étaient parcourues par les landaus, les coupées et les calèches. Quelques ânes montés se faufilaient entre les voitures.
L'hôtel Savoy devint très vite trop petit et son propriétaire en augmenta le nombre des chambres à 300 dont 80 avaient des cabinets de toilette et une salle de bains. Il y avait même un salon de coiffure pour hommes et femmes dans cet hôtel luxueux.
Les hôtes y trouvaient encore, en plus du restaurant, des salons à louer, un bar américain, un billard, un jardin et un tennis. La grande salle de bal servait aussi pour les grands banquets et les réceptions.
Voici les prix qui étaient pratiqués en 1910 dans cet hôtel. La location à la journée pour une chambre à un lit était de 40 piastres, de 70 piastres pour une chambre à deux lits, de 80 piastres pour un salon, de 200 piastres pour un appartement privé comprenant une salle de bains, un salon et une chambre à coucher.
Quant aux repas, les consommateurs devaient payer 10 piastres pour le déjeuner du matin, le dîner était à 35 piastres et ceux qui voulaient une pension complète devaient verser 90 piastres par jour.
L'hôtel Savoy n'existe plus, il a été remplacé par une banque. Les arbres ont aussi disparu et la statue de Soliman pacha a été remplacée par celle du banquier Talaat Harb. La statue de Soliman pacha se trouve maintenant dans le jardin du Musée militaire de la Citadelle du Caire près de la statue équestre de son ami Ibrahim pacha qui est une reproduction de celle qui existe sur la place de l'Opéra au Caire.
Maintenant autour de cette place au centre du Caire se trouvent des agences de voyages, des librairies, etc...
Qui était Soliman pacha dont tout le monde parle ?
Soliman pacha fut le compagnon d'armée d'Ibrahim pacha, le fils de Mohamed Ali. D'origine française, Soliman pacha fut un officier de l'armée de Napoléon 1er sous le nom de colonel Sèves.
A l'âge de 35 ans, Sèves passa par l'Egypte en 1815 en route vers la Perse. Il avait quitté la France à la suite de l'abdication de Napoléon et de son exil à l'île de Sainte Hélène.
Au cours de son passage au Caire, le colonel Sèves fut présenté à Mohamed Ali qui le pressa de rester en Egypte pour se mettre à son service. Avec son fils, Ibrahim pacha, Mohamed Ali avait entrepris de moderniser son armée et en retenant le colonel Sèves il espérait profiter de l'expérience d'un officier de l'armée napoléonienne. Son vœu fut pleinement exaucé car le jeune officier français fut véritablement à la hauteur de la tâche qui lui avait été demandée.
Très vite, Sèves se prit d'amitié pour Ibrahim pacha et ils travaillèrent ensemble de longues années pour faire de l'armée égyptienne une force puissante et moderne. Entre-temps, le colonel Sèves s'était marié avec une Egyptienne en prenant le nom de Soliman.
En 1822, Soliman pacha avait déjà formé et entraîné 10 bataillons égyptiens. Selon les méthodes napoléoniennes, il avait rodé ses troupes à toutes sortes d'exercices militaires et aux différentes formes de combats. Avec ses jeunes troupes, il participa à la campagne de Grèce de 1825 à 1827.
Au Caire, Soliman pacha habitait dans une propriété sur les bords du Nil en face de l'île de Roda, entre l'aqueduc de la Citadelle et le Vieux-Caire. Entre deux campagnes, lorsque ses obligations militaires le lui permettaient, Soliman pacha se retirait dans sa propriété pour y mener une vie familiale calme et tranquille.
Ce fut dans cette propriété que Soliman pacha s'éteignit après avoir passé 44 années de sa vie au service de l'Egypte. Il fut enseveli dans un mausolée construit dans le jardin de sa propriété. Ce mausolée existe toujours.
Une statue de Soliman pacha fut placée au milieu du rond-point de Qasr El-Nil au Caire, une œuvre du sculpteur français Henri-Alfred Marie Jacquemart qui réalisa aussi la statue équestre de Mohamed Ali d'Alexandrie. Cette statue de bronze représentait Soliman pacha en tenue d'officier de cette époque: un pantalon bouffant, retombant sur des bottes, était serré par une large ceinture. Portant tarbouche sur la tête, Soliman pacha tenait une épée dans sa main gauche.
Cette statue fut enlevée à la suite de la Révolution de 1952 et remplacée par celle de Talaat Harb.

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