Wednesday, November 9, 2011



Le puits de Moïse au Vieux Caire
Ben Ezra synagogue
au vieux-Caire
Moïse est né en Egypte et y a passé toute sa jeunesse. Un puits, au Vieux Caire, garde le souvenir de ce prophète vénéré par les Musulmans, les Chrétiens et les Juifs. Le Vieux-Caire garde encore le souvenir des prophètes Jérémie et Elie.
Derrière la synagogue juive de Ben Ezra au Vieux-Caire se trouve le puits de Moïse. Depuis le XIIème siècle, cette ancienne église copte de Saint Michel est devenue synagogue. Là Moïse venait prier et le prophète Elie y serait apparu.
Vers 1250 avant Jésus-Christ, Moïse venait se retirer en ce lieu pour prier. Il s'abreuvait avec l'eau du puits. Avant de quitter l'Egypte, Moïse vint en ce lieu pour y prier une dernière fois.
Par la suite, une synagogue portant le nom de Jérémie fut construite en ce lieu, car ce prophète serait venu aussi faire ses dévotions en cet endroit lors de son exil en Egypte.
En effet, en 585 avant Jésus-Christ, Jérémie quitta son pays, ne pouvant plus y vivre en paix, et vint se réfugier en Egypte avec ses compagnons. Il s'installa à Taphnis, encore appelé Daphnae ou Tel Defenneh à 13 kilomètres 500 à l'ouest du Canal de Suez non loin de la ville d'El-Qantara. Taphnis était une ancienne cité pharaonique. Ce fut là que Jérémie écrivit la plupart de ses livres, ou du moins les dicta à son secrétaire Barouk. Son livre des "Lamentations" semble avoir été écrit à Taphnis, car il révèle les sentiments d'un exilé, de celui qui souffre et se lamente sur ce qu'il a perdu.
Jérémie se lamentait si bien qu'il était devenu odieux à ses compatriotes qui le lapidèrent en 583, du moins selon certaines traditions. Il fut enterré sur place et son tombeau devint, par la suite, un lieu de pèlerinage. La poussière prise sur la tombe servait à éloigner les aspics et les crocodiles et aussi à s'en protéger.
Plus tard, après la fondation d'Alexandrie en 331 avant Jésus-Christ, Alexandre le Grand fit transporter les restes du prophète Jérémie dans sa nouvelle cité et ils furent déposés sous le portique du Tétrapyle, situé sur la grande artère de la ville allant d'est en ouest.
Lors de leur invasion de l'Egypte, en 30 avant Jésus-Christ, les Romains détruisirent cette synagogue de Jérémie. A la suite de l'invasion arabe, au VIIème siècles, les Coptes obtinrent du général arabe Amr Ibn El-As, l'autorisation de construire une église en ce lieu.
En l'année 1115 le grand rabbin Abraham Ben Ezra vint de Jérusalem en Egypte. Il se rendit sur le lieu où Moïse et Jérémie avaient fait leurs dévotions. Il s'adressa aux autorités fatimides et leur fit part de ce qu'il savait sur l'emplacement de l'ancienne synagogue en revendiquant le droit d'entrer en possession du terrain.
Le patriarche copte orthodoxe d'Alexandrie de l'époque, Macarios II, le 69ème successeur de Saint Marc, donna son assentiment. Ben Ezra transforma l'église en synagogue et c'est pour cela qu'elle porte son nom. En échange, il aurait donné au patriarche copte une caisse de 12 kilos d'or.

G.V.


Le quartier d'Abbasseïa au Caire
doit son nom au vice-roi Abbas Ier
par : Gérard Viaud

Le quartier d'Abbasseïa au Caire doit son nom au vice-roi Abbas Ier qui se fit construire, en 1849, un palais non loin du tombeau de Toumambaï, le dernier sultan mamelouk. C'était un édifice sans architecture remarquable.
Abbas Ier succéda à son grand-père Mohamed Ali en l849. Il ne suivit pas la politique de réformes de Mohamed Ali, il renvoya les techniciens européens et fit arrêter les travaux commencés. Il consentit cependant en 1851 à la construction par les Anglais de la ligne de chemin de fer entre le Caire et Alexandrie.
Les notables de la Cour imitèrent son exemple et édifièrent des villas au milieu de jardins dans cette zone qui était pratiquement désertique.
Avec ces nouvelles constructions l'ancienne route des caravanes fut réaménagée et bordée d'acacias.
Quelques années après la mort d'Abbas Ier, le Khédive Ismaïl fit restaurer le palais et y transféra l'école polytechnique et l'école militaire.
L'école de polytechnique du Caire fut fondée en 1866 pour former des ingénieurs civils et militaires.
Appliquant les méthodes napoléoniennes, Soliman entreprit de créer une armée forte, compétente et disciplinée. Pour cela il travailla avec Ibrahim pacha et une grande amitié lia les deux militaires. En 1822, Soliman avait déjà formé dix bataillons. Ils fondèrent la première école militaire à Khanka au nord-est du Caire.
Beaucoup plus loin, sur la gauche de la route d'Abbasseïa, se trouvait l'Observatoire.
La route d'Abbasseïa avait son point de départ au carrefour de Faggalah à Bab El-Hadid. Elle longeait une partie des remparts du Caire et allait rejoindre la grande mosquée du Daher. De là elle passait devant Bab El-Husseineia (maintenant Midan El-Gueich) et empruntait ensuite la grande voie des caravanes.
En bordure de cette route se trouvaient un des trois tombeaux du sultan mamelouk El-Ghouri (qu'il n'occupa jamais ayant été tué sur un champ de bataille en Syrie), les abattoirs du Caire, l'hôpital européen, l'hôpital austro-hongrois, des casernes, l'école militaire khédiviale organisée à l'européenne. Le mausolée de Toumambaï se trouvait sur la gauche de la route presque en face de l'école militaire.
Ce fut à partir de la fin du XIXème siècle que le quartier d'Abbasseïa se développa considérablement avec la construction de maisons et d'écoles.
A la suite de la Révolution égyptienne de 1952, cette route fut appelée rue El-Gueich. En bordure de cette route se trouvait encore un champ de courses.
Le quartier d'Abbasseïa posséda pendant de longues années l'Observatoire du Caire, mais il y en eu plusieurs auparavant.
Le calife de l'an mille, El-Hakim, fit aménager un Observatoire au sommet du Moqattam après avoir fondé au Caire en 1005 la Maison de la science. Mais ce fut El-Afdal, le fils de Badr El-Djamali, qui construisit un véritable Observatoire sur le Moqattam. Son successeur El-Mamoun Bataïhi déménagea cet Observatoire pour l'installer sur les tours de Bab El-Nasr au Caire.
Cet Observatoire fut supprimé par les troupes françaises de Bonaparte et par la suite un nouvel Observatoire fut construit à Abbasseïa.
L'Observatoire d'Abbasseïa fut tout d'abord dirigé par Mahmoud bey, un savant très compétent qui donna à cet établissement un rôle important dans le monde scientifique. Cet Observatoire avait été aménagé avec du matériel très moderne.
Il y a cent ans, au mois de juillet 1903, l'Observatoire d'Abbasseïa était devenu de plus en plus désuet et il était question de le déménager. Les responsables se mirent à la recherche d'un endroit plus adéquat.
Hélouan fut choisie pour un nouvel Observatoire situé sur un plateau à 118 mètres d'altitude au nord-est de la ville.
Abbasseïa avait aussi une gare des chemins de fer importante qui était le point de départ pour Suez. Cette gare avait une grande importance au moment du départ du pèlerinage vers La Mecque.
Le jour du départ de la caravane pour La Mecque, tout le monde se rassemblait devant Bab El-Nasr où le cortège s'organisait pour se rendre au Birket El-Hagg, première étape avant la marche à travers le désert. Par la suite, avec l'installation de la ligne de chemin de fer entre le Caire et Suez, une manifestation se déroulait sur la grande place située au pied de la Citadelle et une procession était organisée jusqu'à la gare d'Abbasseïa où le "Mahmal" et la "Kiswa" étaient embarqués dans un train spécial.
La ligne de chemin de fer entre le Caire et Hélouan traversait l'Abbasseïa. Elle avait été ouverte au public le 21 janvier 1877 et le point de départ était au Midan, cette grande place qui se trouvait au pied de la Citadelle du Caire.
Cette ligne avait tout d'abord été tracée à partir de la grande gare de Bab El-Hadid, passait par Abbasseïa et arrivait au Midan où les Cairotes s'embarquaient pour se rendre à la nouvelle cité de Hélouan-les-Bains. Mais cette ligne entre la gare de Bab El-Hadid et le Midan ne resta en service que trois mois, car son parcours était trop compliqué. D'Abbasseïa, la ligne arrivait au pied du Moqattam en traversant la Cité des morts et passait par le village de Qaïtbaï. Cette ligne empruntait en partie celle qui avait été tracée en 1873 par le Khédive Ismaïl pour relier les poudrières se trouvant derrière la Citadelle avec la fonderie de canons à Toura au sud du Caire. Cette ligne passait par Bassatine et Méadi.
Quand les voyageurs venant de Suez au Caire, vers le milieu du XIXème siècle, ils entraient dans la ville par la route d'Abbasseïa. Ils leurs arrivaient de rencontre le vice-roi Abbas Ier assis dans sa calèche. Le souverain ne manquait pas de saluer ces voyageurs.
Ils se rendaient ensuite dans les quartiers de l'Ezbékieh ou du Mousky pour y trouver un hôtel.
Ils devaient ensuite se rendre au port de Boulac pour s'informer au sujet de leurs malles qui devaient être arrivées de Suez.
Le 17 décembre 1894, le ministre des Travaux publics, Fakhry pacha, donna le feu vert à la mise en place de lignes de tramways au Caire qui partiraient toutes de la place El-Ataba El-Khadra.
La ligne d'Abbasseïa empruntait l'avenue Clot bey, puis la route d'Abbasseïa jusqu'à l'Observatoire khédivial.
Le quartier d'Abbasseïa possède de nombreux hôpitaux: l'Italien, le Grec, Démerdacche, Dar El-Chifaa, etc... ainsi que la Faculté de médecine. Il y a aussi l'hôpital des aliénés.
Parmi les monuments religieux importants se trouve la grande et imposante mosquée d'El-Nour. Sa construction fut faite par le ministère des Wakfs.
Il y a encore la grande cathédrale Saint Marc des Coptes orthodoxes avec le siège patriarcal et l'église de la Boutrosseïa avec le tombeau de Boutros pacha Ghali. Là se trouve encore la Société d'archéologie copte. Les écoles sont très nombreuses dans ce quartier avec le couvent des Pères dominicains dont la bibliothèque est célèbre. C'est l'Institut dominicain d'études orientales du Caire avec sa revue "Mélanges" lancée en 1954 par les Pères dominicains Anawati, Jomier et de Beaurecueil.
Il existe encore dans ce quartier l'Académie de Police et le siège du Conseil supérieur des antiquités égyptiennes.

Tuesday, November 8, 2011



Pascal Coste en Egypte "Choubra"
 
Ce fut grâce à Mohamed Ali que la campagne de Choubra se développa et s'urbanisa au XIXème siècle à la suite de la construction de son palais et du tracé de la belle allée qui portait le nom de "Champs Elysées" du Caire.
En 1809, Mohamed Ali choisit Choubra pour y établir une maison de campagne estivale qui devait, par la suite, devenir un palais.
Une route ombragée de six kilomètres conduisait au domaine du souverain. Cette résidence estivale donnait sur le Nil et comprenait un vaste jardin divisé en terrasses sous forme d'amphithéâtre. Le jardin comportait des arbres rares et des oiseaux aux multiples couleurs en cage.
Mohamed Ali avait à son service un Français, Pascal Coste, originaire de Marseille. Le souverain lui commanda un palais. Il fallait trouver un lieu idéal pour cette construction qui devrait être digne du palais de Versailles en France.
Pascal Coste commença par examiner les espaces constructibles à la Citadelle du Caire. Aucun des espaces ne se prêtait à une réalisation digne du grand palais des rois de France. L'architecte français pensa alors au grand domaine de Choubra où Mohamed Ali résidait pendant les mois d'été. Le souverain accepta la transformation de cette résidence campagnarde pour en faire un palais moderne. Pascal Coste en traça les plans. Le projet fut accepté. L'ensemble comprendrait un palais, un grand bassin, un hippodrome, de grandes pièces d'eau, quatre pavillons et de grandes allées bordées d'arbres. L'ensemble, enfermé dans une grande enceinte, devait être un véritable paradis de fraîcheur et d'enchantement.
Sans plus attendre, Pascal Coste se mit à l'ouvrage. Il demanda la participation d'artistes, de sculpteurs et de peintres. Cette superbe réalisation du palais de Choubra fut un magnifique spécimen du style qui était en pleine vogue dans le premier quart du XIXème siècle au Caire, un style rococo entre des réalités orientales et occidentales. Le palais fut éclairé avec le gaz de ville, une première pour les résidences princières au Caire.
De ce palais de Choubra, il ne subsiste que le "Nymphée", un élégant quadrilatère auquel les visiteurs avaient accès par quatre portes ouvertes dans les quatre façades. Ce "Nymphée" est encore appelé "kiosque de la fontaine". Aux quatre angles du quadrilatère se trouvaient de belles salles en saillie comme des tours aux coins d'un château.
G.V.







Situé entre Faggalah, l'avenue Ramsès,
Bab El-Chaareia et Abbasseïa au Caire
Le quartier du Daher doit son nom
à un sultan mamelouk
 
par : Gérard Viaud
L'immense quartier du Daher au Caire est situé entre Faggalah, l'avenue Ramsès, Bab El-Chaareia et Abbasseïa. Il doit son nom à un sultan mamelouk qui construisit une mosquée dans ce quartier qui se trouvait alors en dehors des remparts du Caire.
Cette rue du Daher et ce quartier doivent leur nom au sultan mamelouk El-Daher Beibars El-Bondokdari qui construisit une mosquée dans ce quartier. Cette mosquée imposante fut édifiée entre 1267 et 1269. Pour édifier cette mosquée, le sultan El-Daher prit comme modèle les grandes mosquées de Fostat et de Damiette qui avaient été construites au VIIème siècle par le général Amr Ibn El-As. C'est une grande cour carrée entourée de plusieurs rangées de colonnades.
Le sultan El-Daher utilisa pour cette construction des matériaux en provenance de la région du Caire dont les colonnes de granit et les chapiteaux gréco-romains. Il se servit encore des pierres des remparts de Jaffa dont il s'était emparé en 1268. Cette mosquée du Daher fut transformée en fortin en 1798 puis en abattoir par les Britanniques après 1882. Le souvenir du chef français de brigade Sulkowski reste attaché à cette mosquée, car ce fut lui qui la transforma en fortin.
Par arrêté du général Bonaparte, en date du 22 août 1798, Sulkowski avait été nommé membre du comité d'économie politique de l'Institut d'Egypte tout en étant chargé de la discipline militaire dans le quartier du Daher. Il fut tué le 21 octobre 1798 lors de la première révolte du Caire causée par les réformes jugées vexatoires imposées par les Français.
College des frères
Daher - le Caire

Revenons au sultan El-Daher. C'était un homme blond, fort et haut de taille. Il aurait été très beau s'il n'avait été défiguré par la perte d'un oeil en raison d'une cataracte. Ce fut lui qui provoqua la défaite des Croisés français du roi Louis IX à Mansoura. Le Daher était un quartier où de nombreux juifs habitaient, mais l'ancien quartier juif se trouvait dans le Caire fatimide derrière le collège des Frères de Khoronfish où se trouvent encore plusieurs synagogues.
Le quartier du Daher avec celui de Choubra est celui qui possède le plus grand nombre d'églises. Au 16 de la rue du Daher, c'est la cathédrale grecque catholique.
La cathédrale grecque catholique de Faggalah fut construite en 1903. Sakakini pacha avait fait l'acquisition du palais de Linant de Bellefonds dans le quartier de Faggalah au Caire, peut-être à la suite de son décès au mois de juillet 1883. Sakakini fit don de ce palais à la Communauté grecque catholique pour y construire une cathédrale et un patriarcat.
Il y a la cathédrale copte catholique de Saint Antoine le Grand et l'église des Saints Archanges syrienne orthodoxe.
Un peu plus loin, au 24 de la rue Hamdi c'est la cathédrale maronite avec son collège, puis c'est la cathédrale syrienne catholique au 46 de la rue du Daher. L'église Saint Antoine de Padoue du Daher fut inaugurée le 20 avril 1915. Il y a encore le grand collège de la Salle et l'Association de la Haute-Egypte pour l'éducation et le développement.
Ce fut le Frère Godefroy, en 1898, qui conçut le projet du Collège du Daher et il le voulut vaste. Le berceau de l'œuvre des Frères au Daher commença dans un modeste immeuble situé au numéro 6 de la rue Sabri, un unique rez-de-chaussée donnant sur un jardin.
Une rue qui longe le Collège de la Salle, celle de Birket (étang) El-Ratl, rappelle qu'en ce lieu se trouvait un étang qui fut appelé El-Ratl en raison de la présence de fabricants de poids appelés en arabe "rotolis" ou "ratl". Cet étang disparut sous l'occupation française de Bonaparte quand les soldats démolirent la digue qui retenait les eaux de cet étang.
La nouvelle école du Daher ouvrit ses portes au début du mois d'octobre 1898 avec soixante élèves. La première année de bail de location étant écoulée, il fallut penser à trouver un local plus grand et les Frères achetèrent un terrain de 2.000 mètres carrés pour offrir à la jeunesse du quartier des salles et des cours de bonne tenue et correspondant aux exigences modernes. Le 8 octobre 1899, la nouvelle école Saint Nicolas résonnait pour la première fois avec l'arrivée des élèves.
En 1904, un nouveau Collège fut construit et le 4 septembre 1905 une école gratuite fut ouverte dans les bâtiments de Saint Nicolas. Deux cents enfants y furent admis dès les premières heures de la rentrée scolaire. A côté, le Collège de la Salle ne cessa de s'agrandir et de prospérer au fil des ans.
Le quartier du Daher est bordé de nombreuses rues intéressantes et plusieurs débouchent autour de la grande mosquée.
La rue El-Gueich se divise en deux tronçons. Le premier part de la place d'Ataba El-Khadra pour arriver au grand carrefour de Bab El-Chaareia sur la rue de Port-Saïd. A partir de là le second tronçon rejoint la place d'Abbasseïa.
Ce second tronçon fut tracé au XIXème siècle à la suite de la construction d'un palais pour le Khédive Abbas Ier (1849-1854) qui donna son nom à ce nouveau quartier du Caire: Abbasseïa.
Cette artère commença par s'appeler route de l'Abbasseïa. Elle partait du rond-point de Faggalah près de Bab El-Bahr (ou Bab El-Hadid), longeait les remparts du Caire, franchissait le khalig El-Masri non loin de la mosquée du Daher et passait devant les portes d'El-Chaareia et du faubourg d'El-Husseineïa. Cette route empruntait ensuite la piste ancienne des caravanes en direction de Suez.
La rue Bein El-Harat, sur la gauche de la rue Clot bey, est pratiquement parallèle aux rues de Faggalah et de Bab El-Bahr, toutes les trois conduisant de la place Ramsès jusqu'à Bab El-Chaareïa. Elle débouche dans le quartier du Daher. Elle doit son nom à sa situation entre ces deux rues, Bein El-Harat signifiant: entre ces deux ruelles. Il y a encore quelques années, la rue Bein El-Harat était séparée de celle de Faggalah par les remparts du Caire, construits à l'époque ayyoubide. Les maisons de ces deux rues étaient accolées aux murailles de la ville. Mais les derniers vestiges de ces fortifications ont disparu avec les constructions modernes
Bab El-Bahr signifie "porte de la mer" ou encore porte du nord car la mer indique toujours cette direction. Selon certaines explications cette porte devait son nom à la proximité du Nil qui passait non loin de là, alors que Boulac était une île. La rue Tor Sina se trouve entre la place du Daher et celle de Sakakini. Elle doit son nom à la présence de l'archevêché grec orthodoxe du Sinaï et de l'église Sainte Catherine.
Tor Sina signifie "la montagne du Sinaï" qui est encore appelée Horeb ou Gabal El-Tor. Ce fut là que Dieu se manifesta à Moïse et au Prophète Elie. Au pied de la montagne se trouve le monastère de Sainte Catherine.
La rue Sakakini pacha commence à l'avenue Ramsès, traverse la place ronde au milieu de laquelle se dresse le palais, et débouche sur la place du Daher. La rue de Port-Saïd coupe en deux le quartier du Daher. Elle s'appelait rue du khalig El-Masri qui a une histoire très ancienne, plus que millénaire. Tous les voyageurs et écrivains étrangers venus visiter l'Egypte ont parlé de ce canal, en ont chanté la beauté et vanté sa présence bienfaitrice au milieu de la cité.
Le comblement du khalig El-Masri commença en 1897 et il s'acheva au mois de janvier 1898.
Une portion de l'emplacement de cet ancien canal du Caire, le khalig El-Masri, garde toujours ce nom alors que la rue Port-Saïd occupe l'autre section.
Cette rue, qui s'appelle encore khalig El-Masri, se trouve entre la place Sayeda Zeinab et la rue El-Saad El-Barrani. Elle suit la grande boucle qu'effectuait le canal en ce lieu. La décision de combler le khalig El-Masri au Caire avait été prise en 1896 et les dernières fêtes de la coupure du khalig s'étaient déroulées au mois d'août de cette année-là. L'année suivante, le 18 août 1897, s'était déroulée cette fête, mais comme le khalig n'était plus utilisé comme canal la célébration ne porta pas le nom de "coupure du khalig" mais de fête de la crue du Nil. Elle s'était déroulée à l'emplacement habituel sous la présidence du gouverneur du Caire, Son Excellence Maher pacha. Un grand banquet avait été donné à l'occasion de cette fête. Dans la soirée, un feu d'artifice avait été tiré.
La presse égyptienne du 13 septembre avait souligné ce qui suit au sujet de cet ancien canal du Caire. A la suite de la suppression du khalig comme canal, mesure à laquelle il y a lieu de féliciter le gouvernement à cause de l'assainissement énorme qui en résulte pour le plus grand bien de la santé publique, la compagnie des tramways du Caire a conclu avec le gouvernement une convention pour la transformation du parcours suivi par le khalig en une ligne de tramways. La longueur totale sera de 6 kilomètres 500, mais seulement 5 kilomètres 400 seront exploités. On a déjà commencé à combler le canal du pont de Ghamra vers le Daher et dans la direction opposée de Fom El-Khalig vers le pont de Darb El-Gamamis.
Ces deux points ont été presque atteints de sorte qu'il ne reste plus à combler que la distance comprise entre le pont de Darb El-Gamamis et le Daher pour que le travail soit achevé, ce qui sera réalisé au mois de janvier prochain. Quand la ligne de tramways sera achevée, les communications seront assurées d'Abbasseïa au Daher et de la Citadelle au Fom El-Khalig.
Jadis, près du Daher s'étendaient de grands jardins en bordure du khalig El-Masri, là où se trouvait le pont appelé "Qantaret El-Iwaz" (le pont des oies). Une belle allée d'acacias traversait ces jardins qui étaient un but de promenade pour les Cairotes. Chaque vendredi et chaque dimanche, racontent les chroniqueurs, une foule innombrable sortait du Caire pour venir se promener dans les jardins. Des boutiques présentaient aux promeneurs toutes sortes de comestibles et de boissons.


Le palais d'Elfi bey
Rue Alfi (la parisienne) Sharobim
La rue d'Elfi bey , tracée au début du XIXème siècle, doit son nom à un émir mamelouk de la fin du XVIIIème siècle qui avait construit un somptueux palais au coin de cette rue et de celle d'El-Goumhouriya, là où fut, par la suite, édifié l'hôtel Shepheard's incendié au mois de janvier 1952.
Elfi bey était un esclave. Il fut acheté par l'émir Mourad bey pour la valeur de mille (elf) ratl de blé, d'où son nom de Elfi.
Rusé et intelligent il fut vite élevé au rang de bey après avoir été affranchi. En 1798 il construisit son palais, mais il n'en profita guère. En effet, au mois de juillet de cette année-là, Bonaparte entra avec ses troupes au Caire et il établit son état-major dans le palais d'Elfi bey, en bordure de l'Ezbékieh.
Le général Kléber, successeur de Bonaparte en Egypte, fut assassiné dans les jardins du palais d'Elfi bey. Ce dernier, même après le départ des Français, ne revint jamais habiter dans son palais qui a donné son nom à une rue du Caire.
Elfi bey, cet émir mamelouk qui aimait la bonne vie, mérite bien d'avoir donné son nom à cette rue du Caire. En effet, les fêtes d'inauguration de son palais, en 1798, attirèrent tout le beau monde de la ville. Les jardins avaient été illuminés et la grande salle du palais garnie de tables où s'entassaient mets, pâtisseries et fruits.
Ce palais d'Elfi bey, où Bonaparte s'était installé au mois de juillet 1798, fut par la suite détruit pour laisser la place à l'hôtel Shepheard's lui-même incendié au mois de janvier 1952.
Le 14 juin 1800, le général Kléber se promenait dans les jardins du palais. Un homme s'avança vers lui et le poignarda. Le général s'écroula dans son sang et expira.
Le chroniqueur de l'époque, Abdel Rahman El-Djabarti, rapporta l'événement.
"Le général Kléber se promenait avec l'ingénieur en chef de l'armée française dans le jardin de sa maison de l'Ezbékieh. Un Alépin entra dans le jardin et se dirigea du côté du général. Celui-ci, le prenant pour un mendiant, lui fit de la main le signe de retourner sur ses pas, en lui répétant à plusieurs reprises le mot "mafiche". Cependant, l'Alépin avançait toujours, faisant croire au général qu'il venait pour une affaire urgente. Quand il fut devant lui, il lui tendit la main gauche comme s'il voulait prendre sa main et la porter à ses lèvres. Le général, lui ayant donné la main, l'Alépin la saisit et, de la main droite, lui porta successivement quatre coups de poignard. Kléber, éventré, tomba par terre en poussant un cri".
Il y a encore quelques années, un superbe banian se dressait à l'emplacement de cette rue sans nom. Kléber aurait été assassiné sous cet arbre.

G.V.