L'immense quartier du Daher au Caire est situé entre Faggalah, l'avenue Ramsès, Bab El-Chaareia et Abbasseïa. Il doit son nom à un sultan mamelouk qui construisit une mosquée dans ce quartier qui se trouvait alors en dehors des remparts du Caire.
Cette rue du Daher et ce quartier doivent leur nom au sultan mamelouk El-Daher Beibars El-Bondokdari qui construisit une mosquée dans ce quartier. Cette mosquée imposante fut édifiée entre 1267 et 1269. Pour édifier cette mosquée, le sultan El-Daher prit comme modèle les grandes mosquées de Fostat et de Damiette qui avaient été construites au VIIème siècle par le général Amr Ibn El-As. C'est une grande cour carrée entourée de plusieurs rangées de colonnades.
Le sultan El-Daher utilisa pour cette construction des matériaux en provenance de la région du Caire dont les colonnes de granit et les chapiteaux gréco-romains. Il se servit encore des pierres des remparts de Jaffa dont il s'était emparé en 1268. Cette mosquée du Daher fut transformée en fortin en 1798 puis en abattoir par les Britanniques après 1882. Le souvenir du chef français de brigade Sulkowski reste attaché à cette mosquée, car ce fut lui qui la transforma en fortin.
Par arrêté du général Bonaparte, en date du 22 août 1798, Sulkowski avait été nommé membre du comité d'économie politique de l'Institut d'Egypte tout en étant chargé de la discipline militaire dans le quartier du Daher. Il fut tué le 21 octobre 1798 lors de la première révolte du Caire causée par les réformes jugées vexatoires imposées par les Français.
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College des frères Daher - le Caire |
Revenons au sultan El-Daher. C'était un homme blond, fort et haut de taille. Il aurait été très beau s'il n'avait été défiguré par la perte d'un oeil en raison d'une cataracte. Ce fut lui qui provoqua la défaite des Croisés français du roi Louis IX à Mansoura. Le Daher était un quartier où de nombreux juifs habitaient, mais l'ancien quartier juif se trouvait dans le Caire fatimide derrière le collège des Frères de Khoronfish où se trouvent encore plusieurs synagogues.
Le quartier du Daher avec celui de Choubra est celui qui possède le plus grand nombre d'églises. Au 16 de la rue du Daher, c'est la cathédrale grecque catholique.
La cathédrale grecque catholique de Faggalah fut construite en 1903. Sakakini pacha avait fait l'acquisition du palais de Linant de Bellefonds dans le quartier de Faggalah au Caire, peut-être à la suite de son décès au mois de juillet 1883. Sakakini fit don de ce palais à la Communauté grecque catholique pour y construire une cathédrale et un patriarcat.
Il y a la cathédrale copte catholique de Saint Antoine le Grand et l'église des Saints Archanges syrienne orthodoxe.
Un peu plus loin, au 24 de la rue Hamdi c'est la cathédrale maronite avec son collège, puis c'est la cathédrale syrienne catholique au 46 de la rue du Daher. L'église Saint Antoine de Padoue du Daher fut inaugurée le 20 avril 1915. Il y a encore le grand collège de la Salle et l'Association de la Haute-Egypte pour l'éducation et le développement.
Ce fut le Frère Godefroy, en 1898, qui conçut le projet du Collège du Daher et il le voulut vaste. Le berceau de l'œuvre des Frères au Daher commença dans un modeste immeuble situé au numéro 6 de la rue Sabri, un unique rez-de-chaussée donnant sur un jardin.
Une rue qui longe le Collège de la Salle, celle de Birket (étang) El-Ratl, rappelle qu'en ce lieu se trouvait un étang qui fut appelé El-Ratl en raison de la présence de fabricants de poids appelés en arabe "rotolis" ou "ratl". Cet étang disparut sous l'occupation française de Bonaparte quand les soldats démolirent la digue qui retenait les eaux de cet étang.
La nouvelle école du Daher ouvrit ses portes au début du mois d'octobre 1898 avec soixante élèves. La première année de bail de location étant écoulée, il fallut penser à trouver un local plus grand et les Frères achetèrent un terrain de 2.000 mètres carrés pour offrir à la jeunesse du quartier des salles et des cours de bonne tenue et correspondant aux exigences modernes. Le 8 octobre 1899, la nouvelle école Saint Nicolas résonnait pour la première fois avec l'arrivée des élèves.
En 1904, un nouveau Collège fut construit et le 4 septembre 1905 une école gratuite fut ouverte dans les bâtiments de Saint Nicolas. Deux cents enfants y furent admis dès les premières heures de la rentrée scolaire. A côté, le Collège de la Salle ne cessa de s'agrandir et de prospérer au fil des ans.
Le quartier du Daher est bordé de nombreuses rues intéressantes et plusieurs débouchent autour de la grande mosquée.
La rue El-Gueich se divise en deux tronçons. Le premier part de la place d'Ataba El-Khadra pour arriver au grand carrefour de Bab El-Chaareia sur la rue de Port-Saïd. A partir de là le second tronçon rejoint la place d'Abbasseïa.
Ce second tronçon fut tracé au XIXème siècle à la suite de la construction d'un palais pour le Khédive Abbas Ier (1849-1854) qui donna son nom à ce nouveau quartier du Caire: Abbasseïa.
Cette artère commença par s'appeler route de l'Abbasseïa. Elle partait du rond-point de Faggalah près de Bab El-Bahr (ou Bab El-Hadid), longeait les remparts du Caire, franchissait le khalig El-Masri non loin de la mosquée du Daher et passait devant les portes d'El-Chaareia et du faubourg d'El-Husseineïa. Cette route empruntait ensuite la piste ancienne des caravanes en direction de Suez.
La rue Bein El-Harat, sur la gauche de la rue Clot bey, est pratiquement parallèle aux rues de Faggalah et de Bab El-Bahr, toutes les trois conduisant de la place Ramsès jusqu'à Bab El-Chaareïa. Elle débouche dans le quartier du Daher. Elle doit son nom à sa situation entre ces deux rues, Bein El-Harat signifiant: entre ces deux ruelles. Il y a encore quelques années, la rue Bein El-Harat était séparée de celle de Faggalah par les remparts du Caire, construits à l'époque ayyoubide. Les maisons de ces deux rues étaient accolées aux murailles de la ville. Mais les derniers vestiges de ces fortifications ont disparu avec les constructions modernes
Bab El-Bahr signifie "porte de la mer" ou encore porte du nord car la mer indique toujours cette direction. Selon certaines explications cette porte devait son nom à la proximité du Nil qui passait non loin de là, alors que Boulac était une île. La rue Tor Sina se trouve entre la place du Daher et celle de Sakakini. Elle doit son nom à la présence de l'archevêché grec orthodoxe du Sinaï et de l'église Sainte Catherine.
Tor Sina signifie "la montagne du Sinaï" qui est encore appelée Horeb ou Gabal El-Tor. Ce fut là que Dieu se manifesta à Moïse et au Prophète Elie. Au pied de la montagne se trouve le monastère de Sainte Catherine.
La rue Sakakini pacha commence à l'avenue Ramsès, traverse la place ronde au milieu de laquelle se dresse le palais, et débouche sur la place du Daher. La rue de Port-Saïd coupe en deux le quartier du Daher. Elle s'appelait rue du khalig El-Masri qui a une histoire très ancienne, plus que millénaire. Tous les voyageurs et écrivains étrangers venus visiter l'Egypte ont parlé de ce canal, en ont chanté la beauté et vanté sa présence bienfaitrice au milieu de la cité.
Le comblement du khalig El-Masri commença en 1897 et il s'acheva au mois de janvier 1898.
Une portion de l'emplacement de cet ancien canal du Caire, le khalig El-Masri, garde toujours ce nom alors que la rue Port-Saïd occupe l'autre section.
Cette rue, qui s'appelle encore khalig El-Masri, se trouve entre la place Sayeda Zeinab et la rue El-Saad El-Barrani. Elle suit la grande boucle qu'effectuait le canal en ce lieu. La décision de combler le khalig El-Masri au Caire avait été prise en 1896 et les dernières fêtes de la coupure du khalig s'étaient déroulées au mois d'août de cette année-là. L'année suivante, le 18 août 1897, s'était déroulée cette fête, mais comme le khalig n'était plus utilisé comme canal la célébration ne porta pas le nom de "coupure du khalig" mais de fête de la crue du Nil. Elle s'était déroulée à l'emplacement habituel sous la présidence du gouverneur du Caire, Son Excellence Maher pacha. Un grand banquet avait été donné à l'occasion de cette fête. Dans la soirée, un feu d'artifice avait été tiré.
La presse égyptienne du 13 septembre avait souligné ce qui suit au sujet de cet ancien canal du Caire. A la suite de la suppression du khalig comme canal, mesure à laquelle il y a lieu de féliciter le gouvernement à cause de l'assainissement énorme qui en résulte pour le plus grand bien de la santé publique, la compagnie des tramways du Caire a conclu avec le gouvernement une convention pour la transformation du parcours suivi par le khalig en une ligne de tramways. La longueur totale sera de 6 kilomètres 500, mais seulement 5 kilomètres 400 seront exploités. On a déjà commencé à combler le canal du pont de Ghamra vers le Daher et dans la direction opposée de Fom El-Khalig vers le pont de Darb El-Gamamis.
Ces deux points ont été presque atteints de sorte qu'il ne reste plus à combler que la distance comprise entre le pont de Darb El-Gamamis et le Daher pour que le travail soit achevé, ce qui sera réalisé au mois de janvier prochain. Quand la ligne de tramways sera achevée, les communications seront assurées d'Abbasseïa au Daher et de la Citadelle au Fom El-Khalig.
Jadis, près du Daher s'étendaient de grands jardins en bordure du khalig El-Masri, là où se trouvait le pont appelé "Qantaret El-Iwaz" (le pont des oies). Une belle allée d'acacias traversait ces jardins qui étaient un but de promenade pour les Cairotes. Chaque vendredi et chaque dimanche, racontent les chroniqueurs, une foule innombrable sortait du Caire pour venir se promener dans les jardins. Des boutiques présentaient aux promeneurs toutes sortes de comestibles et de boissons.